Ventre, Conscience, Estime et les autres.

Quand j'ai commencé ce blog, je me suis dit qu'il me serait bien utile dans les moments d'errance, ceux où l'on tourne autour du frigo en s'interdisant de l'ouvrir, mais que notre ventre nous lance à nouveau ses cris de détresse. Ses roucoulements discrets.

"Ingurgiter nourriture ! Vite !" hurle-t-il sans arrêt, bien décider à nous faire craquer la première.

Je pense que mon ventre s'est lié d'amitié avec mon cerveau. Ils ont sans aucun doute signé un accord d'aide mutuelle dans le but de me forcer à manger. Le ventre me harcèle en grognant lascivement pour commencer : c'est le signal qu'attendait le cerveau avant de pouvoir balancer vicieusement des images de pâtisserie dégoulinantes de sucre, de parts de tourtes croquantes, de pâtes aux gruyère fondu... Forcément, j'y pense, et lorsque j'essaye de me convaincre que non, il ne faut pas, vraiment, c'est mal... PAF ! Le ventre revient en force et cette fois il ne grogne pas, il s'étire. Je le sens bouger sous ma peau. Il sent qu'il va avoir le dessus, et tout mon corps réagit à son caprice ; même ma pauvre langue se noie dans la salive, émoustillée par le seul souvenir des goûts qu'elle connait bien.

C'est dans ce genre de moment que le craquage me guette.

IL y a peu de temps, j'aurai déjà succombé aux plaisir de la bonne bouffe. Plus maintenant.

J'eus aimé prétendre que je suis devenue plus forte et combative, ou que j'ai gagné en résistance. Pas du tout. J'ai seulement peur.

J'ai peur de ma conscience. Elle est très proche de sa soeur Estime, et celle là me déteste. Lorsque je satisfais mon corps en boulottant avec passion, je ne vis même plus l'instant. Manger devient quelque chose d'instinctif, et de rapide surtout. Je ne profite de rien, parce que le simple fait de manger appelle à la prochaine étape : le rejet.

Vomir, quoi.

Si je rejette, c'est justement à cause de Conscience.

Je mange et je ne pense plus à rien. Une fois la dernière bouchée déglutie, Conscience arrive et elle flanque tout par terre. Contrairement au ventre, elle n'a pas besoin de crier. Elle arrive, elle constate, et elle s'en va sans fermer la porte. Elle ne me dit rien. Alors Estime arrive.

Et elle se fout de ma gueule. Ouvertement.

C'est à ce moment là que toutes les idées noires concernant ma personne entière me submergent. Il y a comme un voile sur tout mon être, je ne suis plus très sûre de pouvoir réfléchir ou avoir un avis objectif sur quoi que ce soit. Je ne suis qu'un tas visqueux de pensées gluantes.

Alors, Estime me laisse toute seule. Je patauge.

Pour sortir la tête de la flaque, une seule solution : la noyer. Avec la seule chose qui se trouve à ma portée. Ce que je viens d'ingurgiter.

Je dois avouer que ça fonctionne à merveille. Une fois vide, je me sens mieux. Je suis avec moi toute seule. Le ventre se tait, il dort, il est fatigué - tout ceci lui demande beaucoup d'effort après tout. Même Estime m'apprécie mieux. Evidemment, je viens de satisfaire son désir de me faire vomir. Je remonte dans son estime, et dans la mienne.

Mais comme chacun sait, the show must go on.

Et c'est reparti.

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